ELLES VONT DURER LONGTEMPS, LONGTEMPS
Date
6.6.2024
Catégorie
Nouvelles
ELLES VONT DURER LONGTEMPS, LONGTEMPS
Grâce à l’innovation d’un consortium québécois, les batteries au lithium-ion qui alimentent les voitures électriques pourront être recyclées à l’infini.
Il y a trois ans, Benoit Couture songeait à s’acheter une voiture électrique. Mais un argument freinait cet ingénieur et président de la firme de génie montréalaise Seneca : le manque de débouchés pour les batteries au lithium-ion à la fin de leur vie. Aucune installation au Québec ne recycle ces produits considérés comme dangereux au Canada. « Je me questionnais à savoir si je ferais vraiment un bon geste [en abandonnant la voiture à essence] », raconte-t-il.
Pas bête comme question. Car même si la voiture électrique n’émet pas de gaz à effet de serre (GES) lorsqu’elle roule, sa production en génère davantage que celle de sa cousine munie d’un moteur à combustion. En fait, la voiture électrique commence à avoir un impact positif sur le climat après avoir parcouru une distance de 32 000 km, ont analysé les chercheurs du Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG) de Polytechnique Montréal.
Un des responsables : la production de la batterie au lithium-ion, qui nécessite des minéraux – , etc. – généralement extraits et raffinés à l’autre bout du monde, avec de l’électricité souvent produite à partir de charbon ou d’autres combustibles fossiles.
C’est parti mon kiki
Comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Seneca, qui se spécialise dans la conception de chaînes de production pour les usines, a lancé en 2017 un projet de sa propre initiative afin de revaloriser les composantes des batteries au lithium-ion. Pour y parvenir, Benoit Couture est allé cogner à la porte du Centre d’études des procédés chimiques du Québec (CEPROCQ), un centre collégial de transfert technologique affilié au Collège de Maisonneuve. Le but : y mettre au point un procédé permettant de recycler tout type de batteries au lithium-ion.
Deux partenaires ont aussi été mis à contribution : Appel à Recycler, un organisme à but non lucratif qui récupère les piles domestiques, ainsi que le Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie d’Hydro-Québec. Tadam, le consortium Recyclage Lithion était né!
Leur projet : construire au Québec, au cours de la prochaine année, une usine pilote qui sera en mesure de recycler 200 tonnes métriques de batteries au lithium-ion par année, soit l’équivalent de 300 à 650 batteries de voitures électriques. Elle pourra aussi recycler les piles de téléphones, ordinateurs portables et perceuses. Ça tombe bien, car, l’automne dernier, ce projet estimé à 12 M$ a obtenu le financement pour aller de l’avant, dont une subvention de 3,8 M$ de Technologies du développement durable Canada (TDDC).
Du gâteau!
Le procédé mis au point par Recyclage Lithion se nomme « hydrométallurgie ». En bon français, en quoi ça consiste? « On prend un gâteau, on le défait, puis on redonne au pâtissier du sucre, de la vanille, de la farine, du lait et des œufs afin qu’il refasse une recette à son goût », illustre Benoit Couture.
En clair, il s’agit d’abord de séparer le cuivre, l’aluminium, le plastique et le graphite. Ensuite, on retire et purifie à l’aide d’acides et de solvants des métaux ou des composés chimiques. Résultat? Des poudres de cobalt, d’hydroxyde de nickel ou de carbonate de lithium répondant aux besoins des fabricants de batteries neuves. « On arrive à recycler 95 % des constituantes », affirme Benoit Couture.
À sa connaissance, son procédé est unique au monde. Comme il permet de « sauter l’étape » de l’extraction minière, il réduit considérablement l’empreinte carbone de la batterie, croit l’ingénieur, d’autant qu’il consomme peu d’électricité. Un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement, publié en 2018, citait des études selon lesquelles recycler l’ensemble des matériaux de la batterie pourrait réduire de moitié les émissions de GES par rapport à la production de nouvelles batteries.
Revendre, mais à quel prix?
Retirer les métaux des vieilles batteries au lithium-ion afin de les revaloriser, fort bien. Mais qu’en adviendra-t-il une fois revendus? « Si on trouve un fabricant [de batteries] local, il n’y a pas de souci. Si c’est pour les renvoyer en Asie par bateau, on retombe dans ce problème de transport, de maintenance, de la quantité de GES qui seront générés », explique Mickaël Dollé, professeur au Département de chimie de l’Université de Montréal.
Afin de maximiser la réduction des GES sur l’ensemble de la chaîne du recyclage, le chercheur travaille à un procédé d’hydrométallurgie différent qui permettrait de récupérer une autre composante spécifique de la batterie lithium-ion. « Ça boucle complètement le processus », dit-il.
Moins cher
Le gros avantage du procédé de Recyclage Lithion? Il est si peu coûteux à mettre en œuvre que le consommateur n’aura pas à payer pour faire recycler sa vieille batterie de voiture électrique!
C’est loin d’être anodin. Car ce qui fait capoter les filières de recyclage, peu importe la matière en jeu, ce sont des raisons économiques et non techniques, signale Pierre-Olivier Roy, chargé de dossier et analyste au CIRAIG. Le hic? La rentabilité repose surtout sur la revente du cobalt, qui a une grande valeur sur le marché. Or, certaines batteries au lithium-ion n’en contiennent pas. Dans leur cas, Benoit Couture reconnaît qu’il devra exiger des frais.
Le président de Recyclage Lithion se montre néanmoins certain de la réussite de son projet, persuadé que sa solution réduira le bilan carbone des batteries au lithium-ion. Il y a trois ans, il avait finalement loué une automobile à essence… qu’il redonnera dans quelques mois. « Ma prochaine voiture sera électrique », affirme-t-il cette fois sans hésitation.
SOURCE: Un point cinq Média (https://unpointcinq.ca/techno/recyclage-des-batteries-de-voitures-electriques/)